merveille n. f.
〈Centre-Ouest, Indre-et-Loire, Haute-Savoie, Provence, Haute-Garonne, Lot, Corrèze,
Dordogne, Lot-et-Garonne, Gers, Hautes-Pyrénées, Pyrénées-Atlantiques, Landes, Gironde〉 usuel Le plus souvent au pl. "beignet de pâte qui gonfle en cuisant dans l’huile bouillante (synon. région. bougnette*, bugne*, ganse*, guenille*, oreillette*) ; tortillon de pâte brisée qui cuit dans l’huile bouillante". – « Merveilles » parfumées à la fleur d’oranger (M. Smith, Vendée, Poitou, Charentes, 1979, 228). « Merveilles » à la vanille (C. Tessier, Eugénie du Château-vert, 1988, 170.)
1. – Ces merveilles sont excellentes […]. Tante Laure n’a pas sa pareille pour les rendre croquantes.
(M. Perrein, Le Buveur de Garonne, 1973, 305.)
2. […] les « merveilles », ces légers gâteaux cuits à la friture et qu’elle réussissait à la perfection. (Cl. Michelet,
Des grives aux loups, 1979, 193.)
3. Je réclamai le privilège de faire cuire les merveilles que nous appelions également des jambes d’ouilles, et la Maïvé m’abandonna les instruments du pouvoir : le rouleau, la bassine d’huile
brûlante, la jatte de pâte dure. La pâte aplatie, je la découpais avec la pointe d’un
couteau en images de fantaisie, larges comme la main, que je jetais dans le liquide
en les laissant le temps nécessaire à durcir et à prendre une belle couleur d’or roux
et d’ambre en se boursouflant. Au fur et à mesure que je les retirais de l’huile,
je les alignais sur une assiette […]. André les saupoudra de sucre broyé fin […].
(M. Peyramaure, L’Orange de Noël, 1996 [1982], 286.)
4. Quand les merveilles sont bien dorées et gonflées, laissez-les égoutter sur du papier absorbant et saupoudrez
de sucre. (Serge, La Cuisine du terroir, 1982, 44.)
5. La coutume qui veut qu’à La Chaume on fasse des merveilles pour Mardi-Gras ou pour la Mi-Carême se perd dans la nuit des temps. […] C’est bon,
tellement bon qu’il faut faire un effort pour s’arrêter de manger […] les « merveilles », si bien nommées […]. (G. Anger et J. Huguet, La Chaume, un peuple en fête, 1983, 113.)
6. Elle donnait un coup de main pour les corbeilles à linge dont les lavandières avaient
plein les bras ou les corbeilles de merveilles, ces beignets de la Chandeleur […]. (P. Magnan, La Naine, 1987, 34.)
7. […] pot-au-feu gascon, mique sarladaise [= préparation analogue au far*, qui accompagne la viande et les légumes cuits dans la soupe] avec une couronne de
petit salé, gigot de mouton aux échalotes, tourtière* de salsifis, salade de cresson, fromage italien, tarte aux poires et aux pêches,
merveilles de la cuisinière. (M. Jeury, Une odeur d’herbe folle, 1989, 159.)
8. Sur la table, il y a deux tasses avec leurs sous-tasses*, une assiette pleine de merveilles, toutes saupoudrées de sucre blanc, comme celles que faisait ma mère. (J.-Cl. Libourel,
Les Roses d’avril, 1998 [1997], 231.)
9. Sur la rive gauche du Var on les appelle « festins »*, sur la rive droite, ce sont les fêtes patronales. Il peut y en avoir une en été et
une en hiver […]. Après la messe, le discours du maire, les danses folkloriques […],
il y a des jeux sportifs […]. Tout cela est suivi par le pastis et un repas collectif
quelquefois offert par la municipalité : socca*, stockfish, brandade, ou bien brochettes, avec « merveilles » (bugnes*) pour le dessert. (J. Onimus, Les Alpes-Maritimes, 1999, 98-99.)
V. encore s.v. bourrier, ex. 9 ; dîner, ex. 23.
— En concurrence avec oreillette.
10. Enfin, en hiver, au gré de la fantaisie, on fait des « merveilles » ou pour mieux dire des « oreillettes »*, avec des morceaux de pâte qui se boursouflent, et gonflent dans la graisse ou l’huile
leurs cornes multiples. Saupoudrées de sucre fin et empilées dans une corbeille, elles
se conserveront plusieurs jours pour constituer de succulents desserts. (M. Thourel,
Vivre à Marengo, 1985, 63.)
V. encore s.v. ganse, ex. 3.
● Au sing. à valeur collective.
11. […] et la rue Alexandre-Fourtanier [à Toulouse], en ces soirs de Carnaval, et aussi
les autres rues qui convergeaient vers la place […] embaumaient la crêpe et la merveille et l’oreillette*. (P. Gamarra, Le Fleuve palimpseste, 1984, 22.)
□ Avec ou dans un commentaire métalinguistique incident.
12. Même le café […] était servi avec les merveilles, succulents morceaux de pâte cuits à la grande friture et saupoudrés de sucre glace.
(Cl. et B. Michelet, Quatre Saisons en Limousin, 1992, 165.)
V. encore s.v. bugne, ex. 5.
■ encyclopédie. Recettes de « Merveilles périgourdines » dans LaMazillePérigord 1929, 343-344, de « Merveilles » dans L’Encyclopédie de la cuisine régionale. La cuisine du Périgord, 1979, 143 ; J.-E. Progneaux, Les Spécialités et recettes gastronomiques charentaises, 1980, 158 ; Chr. Hongrois, Faire sa jeunesse en Vendée, 1988, 205. Recette de « Fichaises ou Merveilles » dans E. et J. de Rivoyre, Cuisine landaise, 1980, 242. V. aussi L’Inventaire du patrimoine culinaire de la France. Poitou-Charentes, 1994, 177-120 ; id. Aquitaine, 1997, 104 et « Merveilles landaises », 351.
◆◆ commentaire. Attesté dep. 1607 en français (« Les merueilles sont faits [sic] de fine fleur de farine avec moyeux d’œufs, eau rose, & sucre. On estend ceste paste
par vn rouleau de tartre fort deliement, qu’on decouppe en rayes longues iusques au
fonds & non les extremitez. On leue puis aprés avec le doigt ou avec vn baston vne
des trenches et non l’autre, & ainsi alternativement, en fin on les fait frire au
beurre frais bien chaud » Le Thresor de santé, ou Mesnage de la vie humaine, Lyon, J.-A. Huguetan, 36). Ce sens, par métaphore de fr. merveille "objet d’admiration", est accueilli dans les dictionnaires généraux du français dep. Boiste 1812 "sorte de gâteaux suisses" ; Besch 1845 "sorte de pâtisserie" ; Littré 1868 ("pâtisserie génevoise [sic]", citant J.-J. Rousseau, 1761 ; rectifié dans LittréSuppl « les merveilles ne sont pas particulières à Genève ; on en fait aussi dans la Dordogne »a). De nos jours, il est donné soit sans marque d’usage (TLF ; NPR 1993-2000), soit
comme « vieux » (GLLF) ou « régional » (Rob 1985). En fait, merveille, correspondant à des référents très variés, n’est d’usage courant que dans une large
aire sud-occidentale, de la basse vallée de la Loire aux Pyrénées, et dans des zones
latérales de l’Est (Suisse romande et Haute-Savoie, Alpes-de-Haute-Provence et Alpes-Maritimes).
Les attestations les plus anciennes (Lyon, Doubs, Anjou ; nant. dans FEW) ou dialectales
(Jersey, cf. Le Maistre 1966) semblent indiquer qu’on a affaire à une aire de retrait.
a LittréSuppl cite La Gazette des Tribunaux du 7 mars 1876, 230, col. 1 : « Les merveilles, dans le langage du pays, ce sont des gâteaux légers et sucrés ». Le texte renvoie à Saint-Julien-de-Lampon (Dordogne) et la phrase précédente indique :
« C’est l’usage de faire des merveilles [pour les veillées mortuaires] et le mot n’est
pas merveilleux, mais il est très-compréhensible quand on connaît les usages de nos
paysans. »
◇◇ bibliographie. MonnierDoubs 1859 merveilles ; VerrOnillAnjou 1908 ; LarGastr 1938 ; ALG 749, surtout dans les Landes et la Gironde,
où il alterne, à l’ouest, avec le type foutaises ; LeMaistreJersey 1966 ; TuaillonRézRégion 1983 ; RézeauOuest 1984 et 1990 ; ChaumardMontcaret
1992 pl. « pâte à tarte découpée en rectangles, incisée dans le milieu et nouée, puis frite » ; GagnySavoie 1993 ; DSR 1997 (avec bibliographie) ; LengertAmiel ; FEW 6/2, 144b, mirabilis.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Charente-Maritime, Gers, Gironde, Landes, Pyrénées-Atlantiques,
Hautes-Pyrénées, 100 % ; Vienne, 80 % ; Charente, Deux-Sèvres, Vendée, 75 % ; Lot-et-Garonne,
40 %.
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