caillette n. f.
〈Loire (Pilat, Rive-de-Gier), Isère, Drôme, Provence, Gard, Ardèche, Haute-Loire (Velay)〉 usuel "crépinette à base de foie de porc et/ou de lard haché et de verdures, cuite au four
et servie chaude ou refroidie". Synon. région. bougnette*, fricandeau*. – La rue embaume l’odeur très particulière des caillettes (M.-H. Reynaud, dans M. Carlat, L’Ardèche, 1985, 271). Caillette en crépine ou […] fourrée aux grains de genièvre (P. Magnan, Les Courriers de la mort, 1986, 226). La caillette de Chabeuil [Drôme] est très renommée (FréchetDrôme 1997).
1. – Attendez un peu. Il y a une terrine ici qui ne me fait pas l’air d’être seulement
de la graisse blanche. Il y a quelque chose dessous la graisse.
– Des caillettes ? – On dirait. – L’Albert était très fort pour les caillettes. Il avait un don. Si c’est ça, on va se régaler. […] on va manger les caillettes d’Albert. Tu m’en diras des nouvelles. Faites rôtir du pain. C’est en fondant que la graisse a tout son goût. (J. Giono, Les Âmes fortes, 1949, 28-29.) 2. On faisait les boudins et les caillettes, on gardait un morceau pour les voisins mais le surplus était vendu à la ville. (M. Chevaly,
Zidore le fada, 1973, 41.)
3. […] les savoureuses caillettes : pas plus grosse que le poing, la caillette apporte au palais les multiples saveurs du porc, dans un mélange harmonieux. (M. Scipion,
Le Clos du roi, 1980 [1978], 132.)
4. La veille [de l’abattage du porc], les femmes avaient trié* et fait cuire à l’eau la verdure épargnée par le gel dans les jardins : chicorée
frisée ou amère, feuilles de blettes ou d’épinards, qui allaient servir de base à
la préparation des caillettes. […] On les cuisait par dizaines, dans de grands plats en terre qu’on portait chez
le boulanger (on le payait en nature, deux, trois, quatre caillettes, suivant le nombre de plats). (Th. Bresson, Le Vent feuillaret. Une enfance ardéchoise, 1980, 119.)
5. Le jour de la mort du cochon, dans les rues du village [= Grimaud, Var] se répandait
une odeur de rôti de porc, de caillettes parfumées à la sauge qui venait surtout du four de la boulangerie : c’était au boulanger
que les ménagères confiaient la cuisson de leurs plats […]. (S. Prou, Le Dit de Marguerite, 1986, 111.)
6. Au chapitre des entrées [en Dauphiné], il y a aussi les caillettes (ce ne sont que des copies des caillettes vivaroises, un peu plus grasses, un peu plus riches en viande) […]. (R.-J. Courtine,
La Cuisine des terroirs, 1989, 216.)
7. Les caillettes étant en vente chez tous les bouchers et charcutiers, le mot est d’usage quotidien
[…]. Les Murois ont du mal à imaginer qu’il puisse exister des régions déshéritées
où les caillettes sont inconnues. (DucMure 1990, 44.)
8. Bonnes caillettes [dans une charcuterie de Crest, Drôme] : dans la recette maison, on mélange des épinards
et de la salade avec différents morceaux de porc, pour façonner des petits pâtés entourés
de crépine que l’on déguste de préférence chauds. (É. de Meurville & M. Creignou,
Le Guide des gourmands 1991, 1990, 63.)
9. On fait ici [en Provence], comme en Vivarais et en Dauphiné, des caillettes. En basse Provence, la caillette se prépare sans épinard [sic] alors qu’en Ardèche ou dans le Var, on prend des épinards et parfois des blettes.
(L’Inventaire du patrimoine culinaire de la France. Provence-Alpes-Côte d’Azur, 1995, 156.)
10. Une autre technique consiste pour le forain [sur un marché] à mettre en scène le « produit typique », celui que tout le monde se représente comme étant caractéristique des habitudes
du pays. Ainsi, sur l’étal du charcutier-traiteur, les beignets de fleurs de courgette,
les « caillettesa », les panisses*, un petit saladier de tapenade* et quelques fougasses* sont en bonne place. (M. de La Pradelle, Les Vendredis de Carpentras, 1995, 194.)
a En note : « On appelle “caillette” une grosse boulette faite de chair de porc mélangée avec des blettes, des épinards,
des épices, et enveloppée dans une crépine. »
11. […] les caillettes, ce sont de jolis pâtés ronds et dodus comme des cailles, qui se mangent tout chauds
au sortir du four, accompagnés d’une bonne purée de pommes de terre. Et s’il en reste,
on peut les servir froides, en entrée, le lendemain. (M. Biehn, Couleurs de Provence, 2000 [1996], 84.)
V. encore ici ex. 14 ; s.v. cébette, ex. 3 ; clinton, ex. 5 et 9 ; crique, ex. 3 ; fricassée, ex. 6 ; graton, ex. 9 ; tian, ex. 12 ; toupine, ex. 4.
□ Avec un commentaire métalinguistique incident.
12. Rien n’était perdu dans la précieuse bête [le porc], découpée, salée, fumée, jambons,
saucissons, pâtés, boudin, « grattons »* et surtout « caillettes », ces pâtés faits d’un mélange de triperie et de verdure, aplatis, enroulés dans une
crépine, dont la recette variait selon les régions, ou selon les cuisinières… (Pays et gens de France, n° 44, l’Ardèche, 19 août 1982, 20.)
□ Dans un énoncé définitoire ordinaire.
13. Les caillettes sont un mélange de bettes ou d’épinards avec du foie et de la viande de porc, enveloppé
dans de la crépinette, piqué d’un brin de sauge et cuit au four. (R. Barjavel, La Charrette bleue, 1989 [1980], 192.)
— Var. 〈Avignon〉 gayette.
14. J’ai retrouvé aussi ce même genre de hachis, mêlé d’herbes (mais bien peu !) chez
M. Hiély, en Avignon, et sous le nom de gayettes. Je crois que cette orthographe convient mieux puisque le mot vient de « gaio », le ris de porc en provençal. Peut-être les gayettes de M. Hiély ne contenaient pas de ris mais simplement des herbes et du foie comme
nos caillettes d’Ardèche. Mais néanmoins trop de viande pour mériter ce nom qui est
à nous ! Disons donc gayettes de Provence. (R.-J. Courtine, La Cuisine des terroirs, 1989, 455-457.)
— Dans le syntagme le moule à (faire les) caillettes par plaisanterie. Synon. région. moule à kneffes (s.v. knepfle)a.
a On trouve aussi dans ce paradigme moule à atriaux en Suisse romande (v. DSR 1997 s.v. atriau).
15. C’était une plaisanterie traditionnelle des adultes du village, le jour du 1er avril, d’envoyer un gamin chez le boucher, pour lui emprunter « le moule à faire les caillettes » (Th. Bresson, Le Vent feuillaret. Une enfance ardéchoise, 1980, 119.)
16. À l’occasion de la tuade [= abattage domestique du porc], il était d’usage de faire
courir les enfants qui ne savaient pas, pour ramener le moule à caillettes. (FaraçaVans 1992, 251.)
■ encyclopédie. Recette de « Caillettes de l’Ardèche » dans A. Bonnaure, La Cuisine rustique. Languedoc, 1971, 161. V. encore L’Inventaire du patrimoine culinaire de la France. Provence-Alpes-Côte d’Azur, 1995, 154-156 ; id. Rhône-Alpes, 1996, 174-176.
◆◆ commentaire. Attesté, en un sens indécidable mais proche, en 1564 (« […] au dimanche ils mangeoient boudins, andouilles, saucissons, fricandeaux, hastereaux,
caillettes […] » (Rabelais, Cinquiesme livre, dans Œuvres complètes, éd. Mireille Huchon avec la collaboration de François Moreau, Paris, Gallimard, 1994,
791 ; v. HöflerRézArtCulin), puis au sens décrit ci-dessus dep. 1785 (Achard, v. ibid.) ; en ce sens, caillette manque dans les dictionnaires généraux contemporains. Le mot (peut-être emprunté
au pr. et frpr.) est à rapporter à FEW 2, 818b-819a, coagulum, comme y invite le texte suivant, qui constitue un jalon précieux dans l’histoire
linguistique et culinaire du mot (ca 1490 « ayez des caillettes de moutton, eschaudez et lavez tres bien […] et les emplez de
ladicte chair hachiee, et puis les coudre d’une petite brochette de boys » Le Viandier de Taillevent, éd. T. Scully, 1988, 264 ; la forme gayette (dep. 1830 dans Le Cuisinier Durand, v. HöflerRézArtCulin) est probablement une remotivation sur pr. gaio "ris de porc". De diffusion récente dans le Forez et dans certaines régions de l’Isère, caillette y a remplacé le terme boulette (v. GononPoncins et DucMure). L’explication par une analogie (de forme et de couleur)
sur caillette "petite caille" (v. ici ex. 11 ; TuaillonVourey 1983 et MazaMariac 1992)a est probablement une remotivation secondaire.
a Déjà dans Bengt Hasselrot, Etude sur la vitalité de la formation diminutive française au xxe siècle, Uppsala, 1972, 28, qui en cite un exemple (« cuisine folklorique [à Avignon] depuis la caillette jusqu’au fromage de chèvre en
passant par l’agneau des Alpilles », Les Nouvelles Littéraires, 9 juillet 1971) avec la définition malheureuse de "petite caille".
◇◇ bibliographie. VillaGasc 1802 ; ConstDésSav 1902 cayette "petit rouleau de veau farci en sauce" ; MédélicePrivas 1981 ; TuaillonRézRégion 1983 ; TuaillonVourey 1983 ; ALLOr 567*
« Les dénominations “caillette” [Gard] et “fricandeau” sont courantes en français régional » ; GononPoncins 1984 « Le mot est récent. Ce sont les charcutiers qui l’ont introduit, vers 1955 ; avant,
on disait : des boulettes » ; DufaudLLouvesc 1986 dans la métalangue s.v. calheta ; MartinPilat 1989 pl. ; DucMure 1990 « d’autant plus considéré comme français [standard] que le terme patois est bouleta » ; CampsLanguedOr 1991 ; FaraçaVans 1992, 251 les caillettes (dans la métalangue), 459 caillette (à l’index français) ; MazaMariac 1992 ; QuesnelPuy 1992 ; VurpasMichelBeauj 1992 ;
FréchetMartVelay 1993 ; FréchetAnnonay 1995 ; LaloyIsère 1995 ; MazodierAlès 1996 ;
FréchetDrôme 1997 ; DufaudLLouvesc 1998 (à la nomenclature française) ; aj. à FEW,
loc. cit.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Ardèche, Drôme, Haute-Loire, Isère, 100 % ; Loire, 80 % ;
Rhône, 35 % ; Ain, 0 %.
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