-et, ‑ette suffixe et finale
Le nombre élevé des mots en -et, ‑ette dans le français de la partie méridionale de la France, particulièrement en Provence
et en Languedoc, est frappant. Alors qu'un terme comme fleurette est considéré comme « vieux ou poétique » par Rob 1985, ou « vieilli » par NPR 1993-2000, ce n'est manifestement pas le cas pour ce fleuriste du boulevard
des Arceaux à Montpellier qui affichait, le 12 juin 1996 : « En raison de la chaleur, les bouquets de fleurettes sont à l'intérieur » (sans compter que fleurette signifie dans ce contexte plutôt "fleur (coupée)" que "petite fleur"). Fleurette est d'ailleurs en très nombreuse compagnie, dans ces mêmes régions, et l'on n'en
donne ici qu'un aperçu dont l'objectif est d'attirer l'attention sur cette série largement
ouverte. Mais seules des données historiques substantielles permettraient de mieux
préciser l'origine de ces mots et de se prononcer avec plus de certitude sur leur
genèse : emprunt à l'occitan ou dérivation en françaisa. Dans tous les cas ici analysés, –et, –ette offre une valeur diminutive, sauf dans olivette (v. aussi sapinette à la nomenclature), où il a une valeur collective.
a Cet aspect n'est pas traité dans TLF s.v. ‑et, ‑ette et n'a pas été non plus explicitement pris en compte dans Bengt Hasselrot, Etude sur la vitalité de la formation diminutive en français au xxe siècle, Uppsala, 1972, s.v. baraquette, caillette (défini comme "petite caille"), collinette, mazet, montagnette (où les sens 1 et 2 sont mal distingués), placette et soupette.
1. Adj. -et, ‑ette. V. à la nomenclature couillonnet, petitounet, pitchounet.
— bravet, ‑ette adj. 〈Surtout Provence, Gard, Lozère, Ardèche〉 [Avec parfois une nuance légèrement ironique ou péjorative] fam. "aimable, gentil, serviable". Souvent précédé de bien. « Elle est bien bravette, c'est un plaisir de lui rendre service » (M. Donadille, Pasteur en Cévennes, 1989, 11). □ Avec un commentaire métalinguistique incident. « “Elle est bien bravette”. Ça pouvait signifier mignonne, éveillée, pas disgracieuse, avenante et soumise,
gentille, pudique, ordonnée, apte au travail et à la maternité » (R. Chabaud, Un si petit village, 1991, 101) ; v. encore s.v. bader, ex. 26 et eh bé, ex. 3. – Emploi subst. « Elle faisait semblant, la bravette, de mordre à l'hameçon » (R. Guérin, L'Apprenti, 1946, 256) ; « – Celle-là, c'est une bravette […] » (J.-Cl. Libourel, Le Secret d'Adélaïde, 1999 [1997], 213).
◆◆ commentaire. Emprunt à l'occ. braveto (Mistral), attesté dep. 1836 (« Cet enfant est bravet. Cette petite fille est bravette » Gabrielli). Accueilli avec la marque « néol. » [!] dans TLF qui cite A. Daudet (1881).
◇◇ bibliographie. GabrielliProv 1836 ; BrunMars 1931 « devient rare » ; RLiR 42 (1978), 161 (Ardèche, Gard) ; BlanchetProv 1991 ; MazodierAlès 1996 ; FEW 1, 249a, barbarus.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96 : Ø.
— grandet, ‑ette adj. 〈Savoie, Haute-Savoie, Provence, Languedoc, Pyrénées-Orientales, Ariège, Haute-Loire
(Velay), Pyrénées-Atlantiques〉 fam. [En parlant d'un enfant] "qui commence à devenir grand, qui a grandi en taille et en maturité". « […] dès que je suis devenue assez grandette pour comprendre les choses et que j'ai plus posé de questions, j'ai commencé à souffrir » (Th. Monnier, Madame Roman, 1998 [1957], 29) ; « Eva ne sera grandette que dans une douzaine d'années. Ce sera difficile pour vous, mon garçon » (G. J. Arnaud, Les Moulins à nuages, 1988, 210).
◆◆ commentaire. Attesté dep. l'afr. (1250, FEW), le mot est réputé dans la lexicographie référentielle
« vx ou région. » (Rob 1985 ; NPR 1993-2000), « fam., vieilli » (Lar 2000), TLF ne donnant que grandette adj. f., s.v. ‑et/-ette, sans marque, avec un ex. de Genevoix (1925). Mais dans la partie méridionale de la
France (où grandet est sans doute conforté par occ. grandeto, auquel il a pu être emprunté), l'adj. est d'usage courant.
◇◇ bibliographie. VillaGasc 1802 ; PépinGasc 1895 ; ConstDésSav 1902 ; SéguyToulouse 1950 ; NouvelAveyr
1978 ; CampsLanguedOr 1991 ; GagnySavoie 1993 ; MazodierAlès 1996 ; QuesnelPuy 1996-97
« le masculin grandet est rare » ; MoreuxRToulouse 2000 ; FEW 4, 220b, grandis.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96 : Ø.
— grasset, ‑ette adj. 〈Surtout Provence〉 fam. [En parlant d'une personne] "un peu gras". Stand. dodu, grassouillet. « Après, j'ai eu Cyprienne. C'était une petite aussi grassette que celle des Bonnieux […] » (Th. Monnier, Madame Roman, 1998 [1957], 42). – Emploi subst., comme appellation de santons. V. s.v. calade, ex. 8.
◆◆ commentaire. Attesté dep. l'afr. (12e s., FEW), l'adj. est courant dans le français du Québec (DQA 1992), mais son usage
est très restreint dans le français de référence : absent de NPR 1993-2000 et de Lar 2000,
il est considéré comme « vx » par GLLF et Rob 1985, et si TLF le donne sans marque, il ne cite que des ex. du 19e s.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96 : Ø.
2. N.
2.2. N. m. ou f. en -et, ‑ette.
— saquet (parfois sacquet) n. m. 〈Provence, Gard, Hérault〉 "petit sac en toile, à large ouverture et pourvu d'un rabat, généralement muni d'une
bandoulière". Stand. musette. « […] une terre tellement en pente que les poules, on était obligé de leur mettre le
saquet au cul si on voulait conserver les œufs […] » (P. Magnan, Les Courriers de la mort, 1986, 191) ; « C'est dans les derniers jours du mois de juin que les cueilleurs [de fleurs de tilleul
dans les Baronnies], sacquets de toile blanche en bandoulière et perchés sur des échelles au cœur des arbres en
boule, commencent la récolte des fleurs, faite entièrement à la main » (D. Bottani, Le Guide des routes de l'olivier, 1996, 244)
◆◆ commentaire. Emprunt à l'occ. saquet "petit sac" (Mistral ; dep. aocc., FEW), le mot est en usage dans le français de Provence et
du Languedoc oriental, sans attestation antérieure à 1986 dans la documentation. Absent
des dictionnaires généraux du français.
◇◇ bibliographie. CampsLanguedOr 1991 (Gard, Cévennes) ; CovèsSète 1995 ; MazodierAlès 1996 ; aj. à
FEW 11, 22b, saccus.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96 : Ø.
— saquette n. f.
1. 〈Drôme, Gard, Hérault, Aude, Lozère, Ardèche〉 usuel "petit sac en toile, à large ouverture et pourvu d'un rabat, généralement muni d'une
bandoulière et réservé à de multiples usages, notamment au transport d'un repas froid". Stand. musette. « À quatre ou cinq heures du matin on partait, la musette ou la “saquette” en bandoulière » (R.-A. Rey, Augustine Rouvière, 1977, 68) ; « Elle prenait la “saquette” […] – C'est de la toile pur fil de lin, ça… » (J‑.P. Chabrol, Le Crève-Cévennes, 1993 [1972], 1974) ; « […] quelque vague cueillette d'herbe pour les lapins, la “saquette” autour du ventre » (Th. Bresson, Le Vent feuillaret. Une enfance ardéchoise, 1980, 58) ; « Une valise à chaque main et la saquette dans le dos » (Y. Rouquette, La Mallette, 1994, 15) ; « […] coupeurs [de lavande], vers le sommet du plateau, armés de faucille, la “saquette” accrochée aux épaules. L'apparition semble sortir d'un autre âge, celui d'avant la
mécanisation […], et pourtant la tradition de la cueillette manuelle est toujours
vivace » (Jean Carribou, « Au pays de Giono », Le Monde, 16 juin 2000, 4) ; v. encore ci-dessous, ex. de M. Rouanet.
2. P. méton. 〈Gard, Hérault, Aude〉 "repas froid transporté dans ce sac". « Pour une bonne saquette, ce fut une bonne saquette […], le boudin noir aux herbes, le pâté de grives, le jambon et l'omelette baveuse
entre deux tranches de pain » (G. J. Arnaud, Les Moulins à nuages, 1988, 152) ; « […] la saquette, où l'on emporte le repas que l'on mangera hors de chez soi, désigne
surtout le contenu de cette sacoche. […] Dans la gamme infinie des saquettes, une constante apparaît toutefois : l'œuf dur et, dans un coin, le tube de sel » (M. Rouanet, Petit Traité romanesque de cuisine, 1997, 333).
◆◆ commentaire. Emprunt à l'occ. saqueto de même sens (Mistral ; dep. aocc. saqueta, Carcassonne, FEW), attesté en français dep. 1865-1866 (MichelDaudet). Seul dictionnaire
général contemporain à accueillir saquette (s.v. sac), le TLF méconnaît son caractère régional et l'indique « vieilli », avec un exemple (1887) de Paul Arène, né à Sisteron (Alpes-de-Haute-Provence).
◇◇ bibliographie. MichelDaudet ; CampsLanguedOr 1991 ; MazodierAlès 1996 ; FréchetDrôme 1997 sacquette ; aj. à FEW 11, 23a, saccus.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Aude, Hérault, Lozère, 100 % ; Gard, 65 %.
2.3. N. f. en -ette. V. bazarette, campagnette, cébette, criquette, fougassette, fourmette, montagnette, oreillette, sanguette à la nomenclature.
— baraquette n. f. 〈Languedoc oriental〉 fam. "petite construction sommaire ; petite maison de campagne". Syn. région. bastidon*, cabanon*, mazet*. « […] quelques baraquettes qui servaient de dépendances […] » (J.-P. Chabrol, Les Rebelles, 1965, 36) ; « […] un quartier résidentiel où les villas aisées ont remplacé les baraquettes où les familles sétoises venaient autrefois passer le dimanche » (Le Monde, 19 avril 1991, 12) ; « À trois kilomètres du vrai village, des baraquettes y avaient été installées, constructions rudimentaires, pour le plaisir des dimanches,
bricolées, hétéroclites, nées d'un tourisme avant le tourisme : celui des plus pauvres » (M. Rouanet, Il a neigé cette nuit, 1997, 15).
◆◆ commentaire. Attesté dep. 1881 dans le français de Provence (« […] un de ces vide-bouteilles si chers aux méridionaux, s'appelant cabanons à Marseille,
mazets à Nîmes, baraquettes à Cette, villas à Cannes ou à Hyères et ici tout simplement
bastides » P. Arène, Au bon soleil, 1881, Paris, 236, dans René Duché, La Langue et le style de Paul Arène, Paris, 226), le terme est probablement un emprunt à l'occ. baraqueto (Mistral). Absent des dictionnaires généraux du français.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96 : Ø.
— cacarinette n. f. 〈Surtout Provence〉 fam. "coccinelle". Au fig. « […] les socialistes l'avaient nommée [une militante communiste] la cacarinette rouge, eu égard à sa taille pour le moins confidentielle » (R. Frégni, Le Voleur d'innocence, 1996 [1994], 26). Loc. verb. avoir une cacarinette dans la tête/avoir des cacarinettes plein la tête "avoir la tête remplie d'idées foisonnantes ou un peu folles". « […] et moi, crevée et la tête pleine de cacarinettes […] » (A. Sarrazin, La Cavale, 1969 [1965], 96) ; « N'allez pas croire que je dis ça pour les faire bisquer [les bazarettes* d'Arles] ou parce que j'ai une cacarinette dans la tête. Dites que j'exagère si cela vous fait plaisir, mais voilà ma vérité sur l'Arlésienne » (Fr. Fernandel, L'Escarboucle, ma Provence, 1992, 44) ; « – Excusez-les, fit Nono. Ils [des jeunes] ont des cacarinettes plein la tête, mais ils ne sont pas méchants » (M. Courbou, Les Chapacans, 1994, 245).
◆◆ commentaire. Documenté seulement dep. 1965 (v. ex. ci-dessus), le mot est un emprunt, adapté, au
pr. catarinetto "coccinelle", avec assimilation progressive. La métaphore se rattache au riche paradigme avoir une araignée au plafond, avoir des grillons dans la tête, etc. (v. Richard Riegler, « Tiernamen zu Bezeichnung von Geistesstörungen », dans Wörter und Sachen, Heidelberg, 1921, t. 7, 129-135). Absent des dictionnaires généraux du français.
◇◇ bibliographie. BlanchetProv 1991 ; ArmKasMars 1998 avoir des cacarinettes ; BouisMars 1999 ; aj. à FEW 2, 504a, catharina.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Var, 80 % ; Vaucluse, 65 % ; Alpes-de-Haute-Provence, 50 % ;
Bouches-du-Rhône, 40 % ; Alpes-Maritimes, 30 % ; Hautes-Alpes, 25 %.
— collinette n. f. 〈Provence, Hérault〉 fam. "petite colline". « […] cette collinette coiffée d'un chêne vert […] » (R. Blanc, Clément, Noisette et autres Gascons, 1984, 103) ; « […] je contemplais un chapelet de collinettes toutes exposées nord-sud […] et bosselées de romarin […] » (M. Scipion, L'Homme qui courait après les fleurs, 1984, 197) ; « La Romieu, au centre de la vaste campagne agricole toute en collinettes de velours vert et blanc […] » (M. Rouanet, Balades des jours ordinaires, 1999, 125) ; v. encore s.v. huile, ex. 3.
◆◆ commentaire. Dérivé sur fr. colline, avec suff. ‑ette, attesté dep. 1872 (A. Daudet, FEW). Absent des dictionnaires généraux du français.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96 : Ø.
— écolette n. f. 〈Aveyron, Lozère, Gard〉 spor., fam. "école maternelle ou primaire ; cours hebdomadaire d'instruction religieuse protestante". « Une vingtaine de petits orphelins sortaient en rang bien sage chaque jeudi et chaque
dimanche matin pour s'en aller à l' “écolette” ou à l'école du dimanche, au temple de la rue du Jeudi » (R.-A. Rey, Augustine Rouvière, Cévenole, 1977, 124).
◆◆ commentaire. Emprunt à l'occ. escouleto (Mistral), non documenté avant 1977 (ex. ci-dessus). Absent des dictionnaires généraux
du français.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96 : Ø.
— farinette n. f.
1. 〈Hérault, Aude, Ariège, Haute-Garonne, Tarn, Tarn-et-Garonne, Aveyron, Gers〉 "bouillie faite à partir de diverses farines de céréales ou de légumes". « – Nous ferons une farinette. / Je comprenais que la viande de boucherie dépassait nos moyens » (P. Gougaud, L'Œil de la source, 1978, 19) ; « […] un immense chaudron de farinette où, parce que c'était un jour de fête, elle avait ajouté du lard, coupé en tranches
fines, pour ne pas gaspiller » (L. Durand, La Porte de Kercabanac, 1982, 89). – Souvent au pl. « […] ces cuillerées de miel qui fondrait dans les tisanes de tilleul, de thym, qui
napperait les farinettes et le millas* » (G. J. Arnaud, Les Moulins à nuages, 1988, 34) ; « Sur la table, à côté du foyer, deux assiettées de farinettes d'avoine refroidissaient […]. – Tu vois, me dit la vieille, mon dîner est tout prêt :
je mangerai une assiettée de farinettes » (L. Pujol, Le Temps des fleurs, 1989, 197) ; « On la [la farine de châtaigne] transformait en bouillies ou “farinettes” plus ou moins épaisses » (M. Rouanet, Petit Traité romanesque de cuisine, 1997 [1990], 41).
2. 〈Auvergne〉 "omelette épaissie à la farine, éventuellement enrichie de divers éléments". « Crevettes fraîches rissolées aux zestes d'orange ; farinettes aux girolles du pays […] » (Carte d'un restaurant de Laguiole, Cantal, Le Monde, 16 septembre 1998, 25).
◆◆ commentaire. Emprunt à l'occ. farineto (Mistral), farinette est attesté au sens 1 dep. 1802 et au sens 2 dep. 1928 (v. HöflerRézArtCulin). Il
est absent des dictionnaires généraux du français.
◇◇ bibliographie. VillaGasc 1802 (1) ; MichelDaudet (1) ; SéguyToulouse 1950 (1) ; BoisgontierMidiPyr
1992 (1) ; HöflerRézArtCulin ; MoreuxRToulouse 2000 pl. (1) « semble connu de la majorité des plus de 40 ans » ; FEW 3, 419b, farina.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : (1) Ariège, Haute-Garonne, 100 % ; Aveyron, 50 % ; Tarn-et-Garonne, 30 % ; Tarn, 25 % ;
Lot, 0 %.
— garriguette n. f. 〈Gard〉 fam. "terrain calcaire et aride planté de broussailles et d'épineux". « Une dizaine de kilomètres à travers garriguettes et pinèdes […] » (R. Chabaud, Un si petit village, 1990, 27).
◆◆ commentaire. Absent des dictionnaires généraux contemporains et des relevés régionaux, le terme
est mal documenté ; il s'agit sans doute d'un empr. à occ. garrigueto (Mistral). On a par ailleurs donné ce nom à une variété de fraise, créée par l'INRA,
qui a commencée à être commercialisée auprès des producteurs en 1977 pour faire son
apparition sur les marchés vers 1990 (« […] elle porte un petit nom charmant : la garriguette. La nommer, c'est déjà saliver,
déjà passer aux actes poétiques et gourmands. Et nous ferons pour finir des orgies
de garriguettes à la crème » P. Georges, dans Le Monde, 10 mai 1997, 29).
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96 : Ø.
— gravette n. f. 〈Hautes-Alpes, Provence〉 usuel.
1. Au sing., à valeur de collectif "petites pierres finement concassées servant à empierrer les routes, les chemins". Stand. gravillons. « Avec ses 4 kilomètres jalonnés d'une centaine de plaques d'égouts et de béton délimitant
le tracé, son revêtement bombé se dégradant rapidement pour donner naissance à de
la “gravette” dans les dix-sept virages […], la piste [de course automobile] de Détroit est un
banc de torture pour les pilotes et leurs mécaniques » (G. Albouy, Le Monde, 1988, 12).
2. Au plur. "petits cailloux, gravier". « L'avant-veille il avait plu, un vent du diable s'était levé qui nous emportait les
tuiles du toit et qui nous jetait des gravettes à la figure […] » (Th. Monnier, Madame Roman, 1998 [1954], 107).
◆◆ commentaire. Absent des dictionnaires généraux contemporains et des relevés régionaux, gravette est emprunté à occ. graveto (Mistral) ;
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96 : Ø.
— olivette n. f. 〈Provence, Gard, Hérault, Aude〉 usuel "terrain planté d'oliviers". Stand. oliveraie. « […] tant de petits jardins cultivés ou sauvages, d'olivettes cachées dans des creux ignorés du vent, et de vignes blotties sous d'énormes rochers
[…] » (H. Bosco, Le Mas Théotime, 1945, 341) ; « […] Angelo distingua une robe bleu-lavande qui […] s'en allait vers des olivettes en terrasses sur le coteau de l'ermitage […] » (J. Giono, Angelo, 1958, 237) ; « […] ces vignes et ces olivettes en terrasses dont les murs de pierre sèche, après chaque pluie, forment des “ventres” menaçants et finissent par s'ébouler » (G. Combarnous, Mamette de Salagous, 1973, 12) ; « – […] Tout le monde arrache les olivettes pour planter de la vigne » (G. J. Arnaud, Les Moulins à nuages, 1988, 38) ; « Ils ont du bien par là autour […]. Peu de bien. […] un champ de blé, une vigne, une olivette, une amanderaie, deux ou trois vergers ou jardins potagers […] » (P. Magnan, L'Amant du poivre d'âne, 1988, 13) ; « […] les olivettes incrustées dans les champs de rocaille » (R. Chabaud, Un si petit village, 1991, 14).
◆◆ commentaire. Attesté dep. 1600 (olivete, O. de Serres, v. FEW 7, 349a), le mot, issu de lat. olivetum, a probablement subi l'influence du suffixe occ. à valeur collective ‑eto (cf. sapinette*). Sans marque dans GLLF, Rob 1985 et NPR 1993-2000, ce sens est qualifié de « rare » par Lar 2000.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96 : Ø.
— placette n. f. 〈Surtout Provence et Languedoc〉 usuel "espace plat et dégagé, aménagé au centre des villages, généralement ombragé, et favorisant
les rencontres entre les habitants". « À la belle saison, le père Sidobre avait l'habitude d'installer un brin de terrasse
près de l'abreuvoir communal, à l'ombre d'un grand ormeau. C'étaient deux ou trois
guéridons entourés d'un rond de chaises de jardin, dans le courant d'air de la placette » (L. Massé, Les Grégoire, t. 2., 1945, 256) ; « […] on trouve ce procureur et notre Langlois qui se promenaient sous les tilleuls
de notre placette, admirant nos beaux arbres, tendant la badine en direction du bas pays qu'on découvre
tout entier de là […] » (J. Giono, Un roi sans divertissement, 1947, 96) ; « La pétanque sur la placette » (J.-P. Chabrol, Les Rebelles, 1965, 42) ; « Le dimanche après-midi, inséparables, ils disputaient une partie de boules sur la
placette du village. Une petite place ombragée de platanes qui perdaient leurs feuilles en
hiver » (R.-A. Rey, La Passerelle, 1976, 87) ; « […] un menuisier qui faisait aussi office de barbier le samedi soir sur la placette » (Chr. Signol, Antonin Laforgue, 1981, 10) ; « […] une belle placette à l'ombre de ses deux platanes, avec dans un coin une fontaine […] » (J.-Cl. Libourel, Le Secret d'Adélaïde, 1999 [1997], 91).
◆◆ commentaire. C'est pour sa fréquence qui en fait un régionalisme du français méridional que l'on
a ici retenu ce terme, probablement réemprunté au provençal au 19e siècle par le français général où il n'était auparavant attesté que dans le Nord
aux 14e–16e s. (v. TLF). Si la marque « rare » que lui assigne NPR 1993-2000 est abusive, le fait que le mot soit accueilli sans
marque dans les autres dictionnaires généraux contemporains peut surprendre (l'absence
d'exemples postérieurs à 1910 dans TLF étonne mais peut aisément être comblée par
Frantext, même si la diversité des auteurs utilisant le mot n'y est pas très grande ; v. encore
s.v. trage, ex. 10). En 1931, Brun le consigne comme caractéristique du français de Marseille.
◇◇ bibliographie. BrunMars 1931 ; Chambon MélVarFr II, 78 (en 1564 à Mauriac, Cantal) ; FEW 9, 39a, platea.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96 : Ø.
— saucissette n. f. 〈Drôme, Provence〉 usuel "saucisse de porc, fine et mince". Stand. chipolata. « Elle ralluma la flamme d'un gaz sous une large sartan [= poêle] à longue queue où
quatre saucissettes déjà grillées attendaient » (M. Scipion, L'Arbre du mensonge, 1980, 117) ; « – Vous prendrez bien un morceau de saucissette avec nous… » (Y. Audouard, Les Cigales d'avant la nuit, 1988, 193) ; « – Pour la grillade-party de mercredi, vous voulez des merguez ou des saucissettes ? » (Village de vacances familiales de Buis-les-Baronnies, Drôme, 18 avril 1994)a ; « […] quelques champignons […] que ma mère cuisinait toujours avec de l'ail, du persil
et des saucissettes » (G. Ginoux, Gens de la campagne au mas des Pialons, 1997, 157)b.
◆◆ commentaire. Dérivé sur fr. saucisse, avec suff. –ette. Absent des dictionnaires généraux du français.
◇◇ bibliographie. Aj. à FEW 11, 107b, salsicius (où ce diminutif n'est relevé que dans le patois du Val d'Aoste).
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96 : Ø.
a J. Mandret-Degeilh, qui rapporte ce discours, ajoute que « saucissette n'a été compris que par un groupe de touristes du Var ; les autres participants,
originaires de la moitié nord de la France, ne connaissaient pas ce mot ».
b À moins de le considérer comme une innovation ponctuelle, l'exemple suivant est peut-être
une indication de la présence du dérivé dans la région de Saugues (Haute-Loire) :
« – […] tu vas mettre le couvert, et moi je vais presser les pommes de terre pour la
purée. J'ai acheté des saucissettes » (R. Sabatier, David et Olivier, 1985, 305 [La scène est située à Paris]).
— soupette n. f. 〈Provence, Gard, Aude, Lozère〉 "soupe légère". « Les deux vieux sont assis près du feu. Comme chaque soir ils mangent leur “soupette”. La mamé* du petit côté de la table, face au feu. C'est son coin à elle depuis toujours » (R.-A. Rey, Griotte, 1979, 41). V. encore s.v. grain, ex. 2 et tirer, ex. 17.
◆◆ commentaire. Dérivé sur fr. soupe, avec suff. –ette, après une attestation isolée de 1576 en français, soupette est enregistré dans Lar 1924 comme « fam. » ; s'il n'apparaît plus dans les dictionnaires généraux contemporains, on peut néanmoins
l'entendre dans diverses régions de France. Il semble cependant que l'usage méridional,
et notamment dans le Sud-Est, constitue un régionalisme de fréquence ; il s'agit sans
doute là d'un emprunt à occ. soupeto (dep. AchardMars).
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96 : Ø.
— tarraillettes ou terraillettes et var. taraillettes, teraillettes, taraïettes n. f. pl. 〈Hautes-Alpes, Provence〉 usuel "petite vaisselle destinée aux jeux des enfants, composée d'ustensiles courants miniaturisés
et généralement réalisée en poterie". Stand. dînette. « La roulotte de Yakali est juste au dernier rond-point. Là où on vend les terraillettes et les balais de mil, les casseroles, […] les banastes* et les pastières [= moules à gâteau] » (R.-A. Rey, Frosine, 1980, 182) ; « – Hélène, si tu allais jouer avec tes taraïettes, nous on travaille » (Cl. Courchay, L'Embellie, 1988, 201) ; v. encore les ex. suivants. □ Avec ou dans un commentaire métalinguistique
incident. « – On vous a donné des taraillettes. Les taraillettes, chez moi, ce sont des bricoles en terre cuite, des amusettes, quoi ! Elles représentent
des ustensiles de cuisine, et aussi des chiens ou des coqs. On les donne aux enfants.
Les grandes personnes font la soupe dans des vraies marmites. Les taraillettes, c'est
pour jouer » (J. Audiberti, Quoat-Quoat, 1948, 73) ; « Je passai devant Mme Grognard, la marchande de taraillettes […]. Les taraillettes, c'étaient de petits objets en terre cuite qui reproduisaient toute la poterie de
ménage qu'on utilisait alors […] » (P. Magnan, La Naine, 1987, 100) ; « Elle ne vendait pourtant que des choses charmantes que nous appelions des taraillettes. C'étaient, en modèle réduit, des reproductions de tous les récipients vernissés utilisés
dans la cuisine provençale » (P. Magnan, L'Amant du poivre d'âne, 1988, 133) ; « Devant l'église, une multitude de marchands s'étaient installés. On y vendait des
moulinets de couleur vive, […] des toupies, […] des faïences de terre brune pour poupée :
les taraillettes » (M. Rouanet, Nous les filles, 1990, 52) ; « On y modelait aussi [à Aubagne, Bouches-du-Rhône] toutes sortes de jouets d'enfants,
objets miniatures, sifflets à eau et trompettes, les “tarraillettes” » (M. Biehn, Couleurs de Provence, 2000 [1996], 80).
◆◆ commentaire. Dérivé sur fr. région. vx terraille "poterie fine, jaunâtre ou grise, fabriquée dans le Gard" (SavBr 1723-Lar 1875 ; BrunMars 1931) ou emprunt à pr. terraieto, tarraieto, de même sens (Mistral), attesté dep. 1931 dans le français de Marseille. Absent des
dictionnaires généraux du français.
◇◇ bibliographie. BrunMars 1931 ; BouvierMars 1986 tarraillettes ; BlanchetProv 1991 ; CovèsSète 1995 ; FEW 13/1, 257a-b, terra.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Bouches-du-Rhône, 80 % ; Alpes-de-Haute-Provence, Hautes-Alpes,
Var, 50 % ; Vaucluse, 30 % ; Alpes-Maritimes, 15 %.
3. Interj.
— peuchérette interj. 〈Provence〉 fam., rare "(mêmes emplois que peuchère*)". « Pendant tout ce temps, la Loire, peucherette, continuait ses rires et ses sautillements dans l'ancien cours, sans se douter de
ce qui l'attendait » (J. Anglade, Jean Anglade raconte, 1975, 137).
◆◆ commentaire. Dérivé sur fr. région. peuchère* ou emprunté à l'occ. pechaireto (Mistral).
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96 : Ø. – Cl. Ammann ; P. Rézeau.
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